Présentation par Madame
Fanny BOURDET
Directrice de l’ONACVG
du Pas-de-Calais
Le sujet de cette année porte sur «les
répressions et les déportations en France et en
Europe pendant la Seconde Guerre Mondiale ». Le
thème est vaste, complexe. Dans l’Europe
occupée, la répression est principalement menée
par les autorités militaires allemandes et par
leurs services policiers que les Français
évoquent généralement sous le nom de Gestapo.
Ils peuvent être aidés –il ne faut jamais
l’oublier –par la police et la gendarmerie de
l’Etat français. L’arrestation débouche le plus
souvent sur des interrogatoires sévères,
accompagnés généralement de tortures, puis des
condamnations, à la prison, la déportation ou à
la peine de mort. La répression touche
différentes catégories de personnes, soit pour
ce qu’elles sont, comme les Juifs, les Tsiganes,
soit pour ce qu’elles ont fait, comme les
Résistantes et les Résistants. Nous insisterons
surtout dans notre propos sur ces derniers en
évoquant quelques exemples vécus dans notre
Pas-de-Calais.
Tout d’abord, notre amie Francine Evard-Dupont,
qui en 1941, est une jeune collégienne de seize
ans, originaire de Liévin et fréquente un
établissement d’Arras. Le 4 juillet, elle croise
sur son parcours un camion militaire. Un des
jeunes Allemands qui s’y trouve, la trouvant
jolie, a l’audace de lui faire un signe d’amitié
et de l’interpeler. Mal lui en prend car notre
Francine a l’âme bien trempée; elle est animée
de l’esprit de résistance. N’affiche-t-elle pas
sur ses vêtements la Croix de Lorraine et même
le drapeau britannique? Ne diffuse-t-elle auprès
de ses camarades les tracts reçus de la RAF? Ne
trouve-t-elle pas plaisant de saboter les fils
téléphoniques, de les conserver dans sa chambre
comme des trophées, de crever les pneus de
bicyclettes des vainqueurs momentanés? Aussitôt
Francine est arrêtée, conduite en la prison
d’Arras. Elle subit les interrogatoires d’usage,
ponctués de coups de poings et de pieds. Elle
passe en jugement devant un tribunal qui siège
au beffroi d’Arras, est condamnée à un an de
prison, mais sera libérée en novembre 1941 sur
l’intervention du Feldkommandant.
Vassil Borik nous vient de loin. Cet officier de
l’armée soviétique a été capturé à Kharkov, en
mai 1942. Le 4 février 1943, il se retrouve à
Sallaumines dans un convoi de prisonniers de
guerre que les Allemands comptent bien faire
travailler dans les mines. Au fond de la mine,
il entre en contact avec des mineurs communistes
français et en octobre 1943, il s’évade du camp
de Drocourt. Recueilli par une famille
française, Vassil rejoint le groupe FTP de
Victor Tourtois, avec lequel il participe à
quelques sabotages et favorise l’évasion de ses
compagnons de déportation. Le 25 avril 1944, il
est arrêtépar les Allemands et conduit à Arras
pour y être fusillé. Il parvient cependant à
s’évader, à rejoindre les corons et peut ainsi
poursuivre son combat avec la Résistance.
Dénoncé par deux Russes alléchés par la prime
que leur promettent les Allemands, il est arrêté
de nouveau le 24 juillet 1944, alors qu’il se
trouve à Loos-en-Gohelle. Les Allemands
l’emmènent à Arras pour le fusiller sur le
champ.
Nous gardons en mémoire la
gentillesse de Pierre Wallon, qui fut notre ami.
C’est un jeune électricien de Lumbres quand il
entre en Résistance en 1942, avec toute sa
famille. On lui confie diverses tâches: le
convoyage d’aviateurs, la recherche de
renseignements, les liaisons entre les divers
groupes de l’OCM. Cependant, le 30 décembre
1943, Pierre est arrêté en même temps que vingt
autres de ses compagnons de lutte, dont son
père, Clovis, qui sera fusillé en février, et sa
mère et sa grand-mère. Il est emmené à Arras où
il subit les tortures, puis à Loos. Le 12
février 1944, il est déporté vers la prison de
Cologne, connaît d’autres lieux de détention,
avant de rejoindre le camp de concentration de
Sachsenhausen le 24 mai 1944 où il subit des
conditions de vie épouvantables. Le 21 avril
1945, commence pour lui et ses compagnons la
«marche de la mort» qui les emmène près de
Schwerin. C’est là qu’il est libéré le 3 mai
1945. Il ne pèse plus que 43 kg. La moitié de
ses compagnons lumbrois d’infortune ne sont pas
revenus des camps, et sa grand-mère est décédée
à Ravensbrück le 19novembre 1944.
En guise de conclusion, on ajoutera que le
département du Pas-de-Calais a payé un lourd
tribut sous les coups de la répression:465
fusillés ou abattus, 3020 déportés dont 1648 ne
sont pas revenus, 5118 internés, dont 438 sont
décédés. Ces quelques chiffres, simples dans
leur brutalité, les quelques exemples quenous
avons évoqués, montrent que la Résistance fut un
combat profondément marqué par la souffrance,
pour ceux qui l’ont vécuedirectement, mais aussi
pour leurs proches. La Résistance fut aussi un
combat nécessaire pour ce qu’elle a représenté:
la défense, la liberté et l’honneur de la
France, les valeurs de l’Humanité, les idéaux de
la Démocratie et de la République. Elle implique
pour nous, ceux des générations d’après, le
devoir impératif de ne pas oublier.
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